Musée Précaire Albinet (2004) Frz

 

Un projet de Thomas Hirschhorn

Commissariat Yvane Chapuis

Coordination Guillaune Desanges

Production Les Laboratoires d’Aubervilliers

 

Le Musée Précaire Albinet a consisté à construire au pied d'une barre d'immeuble HLM dans un quartier de la ville d'Aubervilliers, le Landy, un musée, précaire, c'est-à-dire en matériaux pauvres, accessibles facilement (bois, plastique, scotch), pour exposer les oeuvres de huit artistes majeurs de l'histoire de l'art du XXème siècle.

Ces artistes sont Marcel Duchamp, Kasimir Malevitch, Piet Mondrian, Joseph Beuys, Andy Warhol, Fernand Léger, Le Corbusier et Salvador Dali.

Ces artistes ont été choisis par Thomas Hirschhorn parce qu'ils avaient tous pour projet à travers leur travail de changer le monde et qu'ils ont compté dans sa construction individuelle.

Ces oeuvres appartiennent aux collections du Musée National d'Art Moderne et du Fonds national d'art contemporain.

 

Le Musée Précaire Albinet comprenait quatre espaces : une salle d'exposition, une bibliothèque, un atelier et une buvette autogérée par des femmes du quartier.

 

Ce projet repose sur l'idée que l'art est actif :

1- si l'art est actif, il peut sortir de son statut patrimonial, c'est-à-dire quitter son écrin qu'est le temple de la culture que représente le musée, pour se déplacer et être exposé dans un quartier tel que celui du Landy.

C'est sur cette base qu'a été argumenté la demande de prêt auprès du Centre Pompidou et qu'elle a été acceptée.

2- si l'art est actif, il génère des activités.

Le Musée Précaire Albinet a ainsi fonctionné pendant huit semaines, chaque semaine étant consacrée à l'exposition d'un artiste : il y avait la semaine Duchamp, Mondrian, Beuys, etc.

Chaque semaine vivant au rythme d'activités :

  • - le lundi : montage
  • - le mardi : vernissage
  • - mercredi : ateliers pour les enfants conçu à partir de l'exposition en cours. La coordination des ateliers a été confiée à une association de la ville déjà active dans le quartier : La part de l'art.
  • - jeudi : atelier d'écriture conçu en lien avec l'exposition en cours. Les ateliers d'écriture ont été confiés à huit auteurs contemporains, toutes femmes parce que les artistes exposés étaient tous hommes.
  • - vendredi : débat animé par l'écrivain de la semaine à partir de questions contemporaines reliées à l'exposition en cours. Par exemple, pendant la semaine Warhol parce que c'est sa chaise électrique qui était exposé, le débat a porté sur la peine de mort.
  • - samedi : conférence sur l'artiste de la semaine menée par un historien de l'art spécialiste de la question.
  • - dimanche : repas commun préparé par un habitant du quartier, gratuits, ouverts à tous pour fêter la fin de l'exposition.

- il y avait également une activité, invisible sur place, les sorties organisées en lien avec l'exposition : par exemple pendant la semaine Warhol était proposé une rencontre avec une agence de publicité, pendant la semaine Léger la visite de la Tour Eiffel (qui l'a inspiré), pendant la semaine Beuys une visite de l'Assemblée nationale (parce qu'il a été actif au sein d'un parti politique, le parti des verts allemand), pendant la semaine Mondrian une visite du Musée Mondrian au Pays-Bas, pendant la semaine Duchamp une visite du BHV (d'où provient son célèbre porte-bouteilles), etc.

 

Le Musée Précaire Albinet s'est ainsi animé chaque semaine au rythme de ces activités.

 

Le Musée Précaire Albinet a été construit et a fonctionné avec l'aide des habitants du quartier : ainsi une équipe de 40 personnes l'ont bâti et une équipe d'une quinzaine de jeunes l'ont fait fonctionner. C'est-à-dire que les jeunes du quartier constituaient l'équipe qui avait en charge l'emballage des oeuvres, leur accrochage ainsi que l'accueil des visiteurs. Cette équipe s'est ainsi rendu chaque semaine dans les réserves du Centre Pompidou pour emballer et transporter les oeuvres jusque dans le quartier du Landy.

 

Au cours des 18 mois de préparation du projet, cette équipe a été formée aux métiers de l'exposition et de la régie des oeuvres, d'abord dans le cadre d'un stage de deux semaines à l'occasion du montage de la Biennale d'art contemporain de Lyon, puis pendant sept semaines dans les différents services du Centre Pompidou dans le cadre d'une formation professionnelle rémunérée structurée en partenariat avec la Mission locale pour l'emploi. Dans le cadre de cette formation des jeunes, Les Laboratoires ont reçu une aide du FSE (Fonds Social Européen).

 

Le Musée Précaire Albinet a été démonté et l'ensemble des éléments qui le composaient à l'exception des oeuvres (tables, chaises, fauteuils, tubes néons, bois, moniteurs vidéo, etc.) s'est dispersé dans le quartier à l'occasion d'une tombola.

Le budget du projet s'élève à 350 000 euros dont environ 50% de fonds publics et 50% de mécénat (agnès b, galeries de l'artiste, l'artiste lui-même, Fondation Evens).

Les suites du Musée Précaire Albinet : au-delà de ce qui reste dans la mémoire de chacun qui est impossible à évaluer, de façon concrète le Musée Précaire Albinet a donné lieu :

-à un rapprochement des Laboratoires d'Aubervilliers et des travailleurs sociaux de la ville qui prend la forme aujourd'hui d'autres projets artistiques menés en collaboration et parfois à l'initiative des travailleurs sociaux.

-à des opportunités professionnelles pour un certain nombre des jeunes du quartier :

Ainsi, le Centre Pompidou a proposé deux contrats de formation de deux et trois années aux métiers de l'emballage et de l'encadrement des oeuvres + un contrat à durée indéterminée dans le service de la sécurité du bâtiment du Centre Pompidou ; et a par ailleurs proposé à une vingtaine de jeunes un contrat à durée déterminée d'agent d'accueil dans les expositions du Centre Pompidou.

-un jeune est entré dans une école d'arts appliqués à Paris.

 

Pour en savoir plus voir le livre publié aux éditions Xavier Barral et les pages consacrées au projet dans le Journal des Laboratoires 2007.

 

Les Laboratoires d’Aubervilliers 2004